MAILLET-CAMO Armande, Marie,
Jeanne [MAILLET Armande, Marie, Jeanne, née CAMO] Née le
10 septembre 1922
au Boulou
(Pyrénées-Orientales) ; adjointe
d’enseignement puis
professeur certifiée de
Lettres classiques ;
agent de liaison
dans les Pyrénées-Orientales (AS)
; militante syndicaliste et
communiste ; conseillère
municipale puis adjointe au
maire de Sète (Hérault). Armande est la fille d’Armand, Jean, Joseph Camo né le 11 juin
1892 à Céret (Pyrénées-Orientales) et de Marie, Rose, Prospère Romeu née le 11 juillet 1896 à Cerbère. Son père fut conseiller
municipal de Cerbère, ville frontalière qui s’était développée autour d’une
grande gare internationale. Expert comptable, socialiste SFIO, il fut élu le
29 avril 1945 sur la liste commune d’union patriotique
et républicaine qui
regroupait neuf socialistes
SFIO (dont le maire
Julien Cruzel*, un
résistant), trois communistes,
un représentant du
MLN, un prisonnier de
guerre rapatrié (sans
autre étiquette), un
radical-socialiste, Son père
avait également joué un
rôle important dans
la création, en
1935, de la
Société coopérative de manutention (SCOM)
avec un dénommé
Lavila.
Le 9 février
1944, Armand Camo avait appris au cours de l’enterrement de
sa mère qu’il y avait en mairie une liste d’ «indésirables» et qu’il y
figurait avec toute sa famille, y compris sa belle-mère, une ancienne transbordeuse d’oranges. Armande fit ses études secondaires à Perpignan, puis à la
faculté de Lettres de Montpellier (Hérault).
Elle obtint une licence
de lettres classiques
en 1946. Pendant
l’Occupation, Armande qui militait
à l’Auberge de
la Jeunesse de
Perpignan, entra en
liaison avec un responsable du
groupe « les Cam’routes » (camarades
de la route).
Ce groupe décida
de suivre des cours
de secourisme (bien
utiles en cette
période). Le contact
d’Armande fut Pierre Detoeuf médecin
militaire, lieutenant. Celui-ci,
membre d’un réseau
et de l’AS (Armée secrète), succéda à Edmond
Barde* au poste de sous-préfet de Céret, peu de temps après la Libération.
Par le train de Montpellier Armande ramena des documents au fond d’un thermos.
Elle sillonnait les routes de sa
Catalogne pour porter des messages cachés
dans le guidon de son vélo à
des correspondants qui avaient le contact avec des groupes de résistants dans les
maquis. En août 1944, après
le débarquement en Méditerranée, elle
fut volontaire pour porter
un message à Passa (Pyrénées-Orientales) qu’elle
remit à l’adjoint
au maire de cette
commune, un vigneron,
Marcel Noury,
un moment responsable
des MUR pour l’arrondissement, puis
chef de l’AS
pour les Aspres.
Louis Torcatis*, instituteur
à Passa, d’octobre 1940 à septembre 1942 était un
proche de Marcel Noury :
premier chef de
l’AS des Pyrénées-Orientales, futur chef des GFL de la R3, assassiné le 18
mai 1944 à Carmaux (Tarn)
par la brigade
spéciale de l’intendant
Marty il a
peut-être été aussi
en contact avec elle. À la
Libération, le maire
de Perpignan, Félix Mercader*,
rendit hommage à Armande Camo en lui délivrant une
attestation élogieuse. Après un séjour à Béziers, comme adjointe d’enseignement
au lycée de filles, elle effectua un
stage à Sèvres
pour s’initier aux
méthodes actives (Freinet
pour le primaire)
et à son retour elle accepta un poste de
professeur auxiliaire à Montpellier comme professeure des « sixièmes
nouvelles » qui dépendaient du lycée de garçons Paul-Valéry, mais
fonctionnaient dans une école
primaire proche, Louis-Blanc, dont
le directeur était
un adepte de l’École
émancipée. Puis elle fut nommée au collège municipal de Sète, Paul-Valéry,
toujours comme adjointe d’enseignement. Par la suite, elle fut professeur
déléguée ministérielle à Sète du 25 novembre
1957 au 30
septembre 1958 et
professeur certifiée à
partir du 1er octobre 1958. Elle fut donc titularisée et enseigna
jusqu’à sa retraite, en septembre 1982, « à 60 ans pile ! » comme elle se
plut à le faire remarquer. Étudiante,
elle se maria
en juillet 1946
avec Robert Maillet
(« Bob »).
Ils eurent deux enfants : Jacques qui naquit
le 4 juillet 1947 et Michel
qui vit le
jour le 11 août 1950. Elle arrêta pendant
sa première grossesse
toute activité professionnelle jusqu’à
la naissance du deuxième enfant ; Jacques devint employé
de banque et Michel médecin. Dans l’hiver 1946-1947, ils ouvrirent à la
demande de la municipalité Arraut*, l’Auberge de la
Jeunesse située à la villa Salis,
en haut de
la rue du
Général-Revest à
Sète. Dans la même
période, ils adhérèrent au
PCF. Elle contribua
à la formation
d’une petite chorale
de l’Union des jeunesses républicaines de France. Elle
amena ce groupe à Berlin, en 1951, à l’occasion d’un festival international de
la jeunesse. En
1949, après la
scission syndicale, Armande
fut secrétaire du syndicat SNES du collège Paul-Valéry. Elle
succéda à Robert Lafont* qui partit pour Arles
(Bouches-du-Rhône). Dans les années 1950-1958, le PCF, par la bouche d’un
de ses
responsables, Jean Ribot, lui demanda si elle
acceptait d’aller en Espagne pour chercher
des camarades espagnols
et leur faire passer la frontière clandestinement. Elle accepta sans
hésiter et à trois reprises elle ramena un camarade dont elle ignorait tout.
Bob, son mari était au courant. Comme c’était un travail clandestin,
elle n’en parla
à personne et
cet épisode demeura
enfoui au fond
de sa mémoire. Jusqu’à un jour
de février 2009 où une association l’ASEREF (Association pour le souvenir de
l’Exil républicain espagnol en France) fit une exposition à la Bourse du
Travail de Sète autour de la Retirada
et de l’exil espagnol où il fut surtout question de
l’accueil des Républicains espagnols dans les « camps de concentration ».
Elle intervint pour dire que si le gouvernement français de l’époque avait mal
agi, par contre des Français, individuellement avaient apporté leur aide
à ce moment-là mais aussi plus tard. Elle parla de sa propre action de solidarité, en
soulignant qu’elle ne l’avait jamais
racontée y compris
à sa famille.
Elle évoqua mai 1958 quand elle partit avec sa Deux-Chevaux,
alors que l’Hérault connaissait des inondations. Sa
voiture faisait bien
rire les Espagnols
qui avaient franchi
les portes de la
liberté…en « dos caballos ! » À la fin de son
témoignage, un petit bonhomme vint se planter devant elle et lui déclara : «
alors, c’est vous qui m’avez sauvé la vie ». L’émotion l’envahit et elle n’en
dormit pas de la nuit. En 1959, elle fut
élue conseillère municipale
sur la liste communiste conduite par
Pierre Arraut*. À
l’issue de ce
scrutin, elle accéda
au poste de
sixième adjointe, en
charge des Affaires sociales.
Avec Fanny Carriès, elles
étaient les deux
seules femmes de
ce conseil municipal. Elle
fut réélue en
1965, mais n’occupa
plus son poste
d’adjointe. Elle consacra son mandat
d’élue à faire
en sorte que
l’aide sociale ne
soit plus octroyée,
selon le bon vouloir des élus, mais que celle-ci
devienne un droit pour les intéressés et un devoir pour la municipalité. Sous
son impulsion furent
créées les haltes
garderies du Château-Vert, de
la Corniche et de
l’Île-de-Thau, le service
des assistantes sociales
municipales, les premiers restaurants (avec le concours d’un
autre élu, Gilles Salvat) pour personnes
âgées, le service des aides ménagères,
la restauration scolaire (maternelle et primaire), etc. Pendant la
guerre d’Algérie elle
déploya une grande
activité en faveur
de la paix.
Elle occupa les voies
de chemin de
fer en gare
de Sète avec
notamment Maurice Burguière, Gilbert
Martelli* et Antoine Beille*
afin de s’opposer au départ du contingent. Elle fut citée à comparaître, le
23 décembre 1957, devant le tribunal de première instance de Montpellier pour l’audience du
13 janvier 1958, avec les personnes déjà citées, pour les motifs suivants : «
Le 28 mai 1956, en tout cas depuis un temps non prescrit : 1e ) Troublé ou entravé la mise en marche ou
la circulation des
trains, 2e)
Pénétré, circulé, stationné
sans autorisation régulière dans
les parties de
la voie ferrée
ou de ses
dépendances non affectées
à la circulation publique.
» Le procès
fut l’occasion de
nombreux articles dans
le journal La Marseillaise :
« Les six démocrates sétois doivent être relaxés » ; « Le conseil communal de
la paix décide d’organiser un déplacement à Montpellier », etc. Une
manifestation se déroula devant
le Palais de
Justice. Le 28
janvier 1958, les
six Sétois furent
condamnés à verser individuellement 12
000 francs d’amende
et ils furent
condamnés aux dépens.
La lutte continua jusqu’au
cessez-le-feu, en 1962.
En 1968, Armande
Maillet représenta la
FEN et elle intervint à ce
titre dans les meetings à Sète. Elle fut en même temps responsable de la commission
enseignement de la section de Sète du PCF. Armande continue (2012) d’exercer sa vigilance sur tout ce
qui concerne la Résistance, la Libération et la guerre d’Algérie. Elle
exprime parfois ses indignations et ses colères dans la presse locale,
notamment dans L’Hérault du Jour (édition
départementale du journal La Marseillaise). Toujours
en phase avec
son temps elle
suit l’actualité politique,
nationale et mondiale, via
internet et n’hésite pas à donner son point de vue à chaque fois qu’elle le
juge nécessaire. SOURCES :
Discours prononcé par
Antoine Beille*, le
24 février 1983,
à l’occasion de
la remise de
la distinction de l’Ordre national des Palmes académiques
à Armande Camo-Maillet. — La Marseillaise,
8 au 30 janvier 1958. — Entretiens de Jacques Blin avec Armande Camo-Maillet, juin 2009, novembre 2009, mars 2012. —
Notes d’André Balent. Jacques BLIN
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